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gourmandise

  • Le bortsch des Boltanski (C. BOLTANSKI)

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    C’est l’histoire d’un petit homme qui avait une drôle de maison, la chronique d’un lieu qui n’existe plus - mais a-t-il jamais existé ? - sinon dans les mémoires fragmentées de ses habitants.

    images.jpegRoman en colimaçon, La cache dévoile une demeure aux escaliers de papier que l’on gravit sur la pointe des pieds, pénétrant peu à peu un univers brinquebalant, où tout menace à chaque instant de s’écrouler, à l’image de la Mère-Grand bancale qui refuse les béquilles mais tient cependant le monde dans sa main, tandis que, bien caché, l’autre petit homme de l’histoire, le grand-père, se terre dans l’ombre.

    C’est une photo de famille étrange où les absents sont plus présents que les vivants, morceaux épars d’un grand tout, à reconstituer. Tradition chez les Boltanski que cette habitude de réécrire, voire d’écrire tout court, une histoire familiale entremêlée à l’Histoire avec sa grande hache.

    « Taudis », « chambre de torture », « parc d’attraction », La cache est un kaléidoscope, mais constitue avant tout la matrice où Christophe Boltanki a pris racine et s’est développé pour produire un édifice immense, celui de ses souvenir. Pourtant, une pirouette, et tout part en cacahuète…

    Texte paru le 26/05/2016 dans le Progrès de Lyon

    dans le cadre des dixièmes Assises du Roman 

    Le bortsch des Boltanski

     Lorsqu’elle voulait faire plaisir, elle descendait tôt le matin dans la cuisine et se mettait aux fourneaux. Dressée sur ses pattes chancelantes, arcboutée au-dessus du buffet, elle évidait et farcissait des poivrons, grillait des aubergines sur la flamme de la gazinière, détachait au couteau leur peau calcinée, mélangeait leur chair confite à des oignons crus. Elle mettait des concombres à dégorger, les plongeait dans la crème épaisse. Elle malaxait, roulait des boulettes de viande dans de l’oeuf et de la chapelure, les jetait dans l’huile bouillante, puis les saupoudrait de paprika. Elle découpait et faisait revenir des foies de volaille. La cuisine s’emplissait d’odeurs d’ail, de pelures brûlées, de fritures. Ses murs résonnaient de bruits de hachoir et de noms bizarres : kacha, vareniki, pojarski, vatrouschka. Les grands jours, généralement le dimanche, elle préparait du bortsch. Une soupe de betteraves, de choux, de poitrine de boeuf qu’elle laissait mijoter la veille, dégraissait au petit matin et servait avec des pirojki, des pâtés briochés de chez Goldenberg. A la toute fin, elle ajoutait à son bouillon écarlate du sucre en poudre et un doigt de vinaigre, en dosant chaque ingrédient avec la méticulosité d’une laborantine. Le secret du bortsch réside dans un équilibre aigre-doux très précaire.

    En signe de réjouissance, elle sortait alors ses plus belles assiettes, celles en porcelaine bleue. Les creuses pour la soupe, les plates pour la viande. Plus qu’un festin, elle nous offrait un passé. Elle nous reliait à une histoire qui n’était pas la sienne. Elle sacrifiait à un culte ancien dont elle avait adopté les rites. Elle accomplissait un genre d’eucharistie. Son potage roboratif au goût acidulé et à l’odeur de chou contenait consubstanciellement l’âme des Boltanski. En trois quatre cuillerées de potion magique, elle nous procurait des origines, un sentiment d’appartenance, sinon à une communauté, du moins à un modèle alimentaire, ce quelque chose qui permettait de revendiquer ou plutôt de justifier notre différence.

    Christophe BOLTANSKI, La Cache, 2015

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  • Vive la bouffe ! (Québec)

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    Un pays qui affiche aussi clairement ses convictions, jusque sur les tickets de caisse de ses supermarchés, mérite le respect :

    Québec, IGA, gourmandise

    Québec, IGA, gourmandise

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  • La revanche de Batoule (F. HAL)

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    "Récit", tel est le sous-titre de l'ouvrage de Fatéma HAL :

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    "Incroyable destin de Fatéma Hal ! Qui raconte son parcours : de sa ville natale marocaine d’Oujda, à quelques kilomètres de la frontière algérienne, à Paris où elle a créé en 1984 son célèbre restaurant Mansouria. Entre-temps, après un mariage à 18 ans, trois enfants, des études à l'université Paris-VIII, un divorce, elle aura entrepris un inlassable travail auprès des cuisinières de son pays pour recueillir à temps, avant leur disparition, un fabuleux héritage culinaire. Fatéma Hal revient sur son enfance, marquée par l’absence de père qui en fera un univers de femmes : Mansouria, sa mère, sa tante Yamina, chanteuse pour femmes, les dadas, anciennes esclaves, à qui elle rend hommage, dont certaines devinrent de grandes cuisinières. Des femmes souvent oubliées par la grande Histoire, celle qui est toujours écrite par les hommes…Une suite de récits subtilement construits avec les ingrédients de l’humour, du fantasque, de sublimes vengeances, de la sensualité des parfums du hammam, des saveurs de la cuisine, des youyous, et des chants de Oum Kalsoum… mais aussi marqués par la guerre de l’Indépendance algérienne, les drames terribles, la misère, les répudiations, l’immigration…Née entre le Maroc et l’Algérie, établie en France, ambassadrice de la cuisine marocaine dans le monde, Fatéma Hal est fille des frontières. Dans notre société contemporaine de plus en plus complexe, où tant de mondes différents se juxtaposent, si l’histoire de Fatéma Hal nous touche autant, c’est parce qu’elle a su maintenir précieusement le lien entre tous les pans de sa vie. C’est ce qu’elle nous offre à voir aujourd’hui dans ce livre de fidélité aux souvenirs."

    Fille des frontières est (donc) un récit captivant, à la fois autobiographie d'une femme moderne et miroir du monde. C'est l'itinéraire d'une petite fille qui se trouvait laide - car c'est ce qu'on lui disait - parce que différente des autres et qui n'a dû qu'elle même de grandir et gravir toujours un peu plus loin les marches de la société. Depuis Oujda, son village d'enfance, celui qui l'a marqué à jamais de ses saveurs et de ses personnages hauts en couleur, jusqu'à Paris, où elle est arrivée pour aller à l'université avant de finir par ouvrir son propre restaurant, la vie de Fatéma HAL est une succession de rencontres qui se sont imprimées en elle, se superposant pour produire ce résultat unique.

    Loin de dérouler un fil autosatisfait, l'auteur raconte et raconte encore : les autres, la vie, le monde et, parmi tout ce foisonnement,  surgit de temps en temps une petite fille discrète et effacée, qui regarde et emmagazine dans sa mémoire. L'ouvrage est savoureux, les histoires pittoresques et Fatéma HAL possède un véritable talent de conteuse qui lui permet de rendre au plus près ces personnages féminins si typiques, quoique si proches de nous. Ainsi la vengeance de Batoule, jeune femme stérile répudiée par son époux...

    La vengeance de Batoule

    Mais voilà que Batoule avait décidé de retrouver sa dignité. rien ni personne ne pourrait l'en empêcher. (..)

    Elle poursuivit son chemin jusqu'au marchand d'herbes. Elle tendit la main vers une botte de menthe sauvage terminée par de jolies fleurs, en écrasa une entre ses doigts afin d'évaluer le parfum. Satisfaite, elle vérifia ensuite le brillant des feuilles de coriandre et frôla légèrement la sauge sauvage dont l'arôme discret dissimule son goût puissant. Pour le persil, elle écarta trois bottes fanées et prit celles du dessous, plus fraîches. (...)

    Au Maroc, le thé vert n'a qu'une seule compagne, la menthe, dont les larges feuilles libèrent leur parfum enivrant. Mais l'hiver, lorsque son arôme est moins puissant, le thé, ce goujat, la trompe avec l'absinthe et sa légètre amertume. (...)

    Batoule salua le marchand et prit le chemin du retour. (...) Elle alluma le feu et se mit au travail. Très vite, un délicieux parfum emplit la pièce et s'échappa par la fenêtre entrouverte. La belle reprenait goût à la vie. Piètres cuisinières, ses voisines identifièrent néanmoin s les différents ingrédients : ail écrasé, coriandre, cumin, poivrons grillés.

    Le lendemain, elle fit mijoter un succulent tagine d'agneau aux cardons. Le surlendemain, elle prépara un couscous madfoun, celui qui cache volontairement son jeu... J'adore ce couscous, où tout est dissimulé aux regards. Dans sa cuisine, Batoule se comportait comme ces femmes qui entrent en transe au son d'une musique entraînante et défient la loi des hommes. Elle affolait les sens de voisins, qui la regardaient porter ses petits plats aux pauvres groupés devant la mosquée. Son talent pour filtrer l'eau de rose értait exceptionnel et sa façon de griller les noix ravissait les papilles. Son smen était une merveille et ses dattes farcies aux amandes tout simplement sublimes. Une autre fois, elle brisa le tabou suprême en réalisant elle même la recette du bouillon de l'accouchée, d'ordinaire réservé aux femmes qui viennent d'enfanter. Stérile, Batoule savait qu'elle ne connaîtrait jamais ce bonheur, mais elle prenait sa revanche en réussissant le plus savoureux des bouillon. Batoule était comme ça, et j'admirais sa détermination à ne pas accepter son sort. La répudiation condamnait à une vie difficile. En se révoltant, Batoule avait repris sa liberté.

    (...) "... lorsque ce fils de sorcière m'a répudiée, j'ai d'abord cru que le sol allait s'ouvrir sous mes pieds. Puis j'ai pensé faire une folie : sortir nue dans la rue pour l'humilier, le tuer de mes propres mains ou bien me jeter dans l'oued... Je voulais crier mon malheur au monde entier. Finalement, j'ai préféré m'enfermer dans la cuisine pour préparer tous les plats qu'il aime et ceux qu'il ne connaît pas. Chaque fois, devant ces plats délicieux, je me dis qu'il peut bien se remarier s'il veut, il ne les goûtera jamais plus et même jamais tout court!"

    Fatéma HAL, Fille des frontières, 2011.

    Lu dans le cadre de l'opération Masse critique

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  • "Mangiate !" J-C. MOURLEVAT

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    Un titre qui n'admet pas la réplique, un mot, une silhouette :

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    "Tout commence sur une route de campagne... Après avoir reçu un message de sa soeur, disparue depuis un an, Anne se lance à sa recherche et passe... de "l'autre côté". Elle se retrouve dans un monde parallèle, un ailleurs dépourvu d'humanité, mais où elle rencontrera cependant des alliés inoubliables. Pour arracher sa soeur à ce monde terrifiant, Anne ira jusqu'au bout, au péril de sa vie. Elle se découvrira elle-même : Terrienne.
    Vous ne respirerez plus jamais de la même manière."

    Découvrez la playlist Il faut que tu respires... avec Mickey 3D

    Depuis quinze ans maintenant, Jean-Claude MOURLEVAT nous offre des romans tous plus ensorcelants les uns que les autres. Touchants, drôles, inquiétants, ils développent une palette de couleurs toujours inédites. Depuis le voyage initiatique de Tomek, héros de la Rivière à l'envers, jusqu'à Aleks, faux jumeau déchiré du Chagrin du roi mort, ses personnages ont toujours un point commun : ils ressortent grandis de leurs aventures. Et vieillis. Plus mûrs, mais mais aussi moins naïfs, plus aguerris.

    Terrienne ne fait pas exception à la règle : le roman raconte le voyage d'Anne, partie retrouver et ramener sa soeur Gabrielle d'un pays où, normalement, on ne revient jamais. Et vont se dérouler comme dans un rêve, qui flirte avec le cauchemar, les aventures de cette jeune fille de dix-sept ans qui ne renonce pas, marginale dans son monde, mais rebelle et déterminée dans cet autre monde.

    Car moins que de science-fiction, c'est de fantastique qu'il s'agit : l'irruption dans notre monde réel et familiel d'une inquiétante étrangeté, celle d'un autre monde, où l'on ne respire pas , où l'on ne rit pas, transpire pas, où rien n'a de goût et où l'on n'a de goût à rien. Le voyage initiatique d'Anne va la mener très loin, au fond d'elle autant qu'aux confins de ce Campagne, et c'est plus riche, plus forte, plus sage qu'elle en reviendra, avide de goûter pleinement à tout ce qui l'entoure et qui fait la sève de notre monde, ses bruits, ses odeurs, ses gens..

    Mangiate !

    Je considère notre triste repas et je me demande comment réagiraient les gens d'ici si on leur mettait sous le nez une assiette de spaghettis, avec une bonne sauce bolognaise et du parmesan. "Voyez-vous, leur dirais-je, c'est cela quelque chose de bon, est-ce que vous faites la différence ?" A cette seule pensée, mes papilles s'affolent, et mes narines aussi. Je me retrouve dans la cuisine de mon grand-père Marcello, les jours où Gabrielle et moi mangions chez lui, à midi.

    C'était le rituel, une fois par semaine, le mercredi, et ça a duré des années. Il nous faisait toujours ses spaghettis bolognaise et nous ne voulions rien d'autre. Il posait la casserole fumante et odorante sur un journal plié en deux au milieu de la toile cirée de la table et il nous disait : "Mangiate !" Dans la pièce voisine, ma mémé Chiara, qui commençait à perdre la tête, répétait sans fin la même question : "Marcello, chi c'è ? " Marcello, qui est là ? A quoi il finissait par répondre : "Sono le tue nipoti", c'est tes petites-filles. Alors elle se taisait pour un moment avant de recommencer : "Marcello, chi c'è ? " Comme dessert, nous avions toujours une boîte de crème Mont-Blanc, praliné, vanille ou chocolat, qu'il nous servait dans des bols. Il nous forçait à la finir. Il était heureux de nous avoir et de nous faire plaisir, une fois par semaine. Mais c'est lui qui est parti le premier. Mémé Chiara est toujours en vie, dans sa maison de retraite, et elle continue à demander "Marcello, chi c'è ? " toutes les quinze secondes environ. La vie est mal fichue.

    Jean-Claude MOURLEVAT, Terrienne, 2011.

    Un autre extrait ici.

    Une vidéo où Jean-Claude MOURLEVAT parle de Terrienne :


    Une rencontre avec Jean-Claude Mourlevat
    envoyé par GallimardJeunesse. - Futurs lauréats du Sundance.

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  • Souper singulier (F. COLIN)

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    Il y a la Littérature, et puis il y a les livres. La littérature, c'est cette grande chose qui étend ses ailes au dessus de nous, parfois effrayante, parfois réconfortante, souvent intimidante. Et puis il y a les livres. Ces doux objets que l'on serre autour de soi (ma fille en a plein son lit, ma table de nuit croule), que l'on garde toujours sous la main pour pouvoir les ouvrir à l'improviste et juste en déguster un petit bout, ces "portoloins" qui ont le pouvoir de vous transporter immédiatement où vous voulez, ces indispensables en somme.

    Alors oui, il y a de la littérature jeunesse comme de la grande littérature, mais surtout, il y a des livres, et ces derniers n'ont pas de limite d'âge. Comme celui-ci :

    981252Bal_de_givre..._sortie_janvier_2011.jpg

    "Anna Claramond ne se souvient plus de rien.
    Seul son nom lui est familier. La ville autour d'elle est blanche, belle, irréelle. Presque malgré elle, la jeune fille accepte les assiduités du beau Wynter, l'héritier d'une puissante dynastie. Bal de rêve et cadeaux somptueux se succèdent avec lui mais Anna sent que quelque chose ne va pas. Qu'elle est en danger. De plus, des indices et des messages sont semés à son attention par l'insaisissable Masque, un fugitif recherché.
    Qui est son ennemi, qui est son ami ? Anna sait qu'elle doit se souvenir. Mais que lui réservera sa mémoire une fois retrouvée ?"

    Truffé de références littéraires et culturelles, ce roman est un bonheur à dévorer. Composant un univers à la fois onirique et cependant réaliste, il plonge ses racines dans les contes de notre enfance, les lectures de notre adolescence et... les films des années suivantes ! On s'engage avec une jubilation sans pareille à la suite d'Anna, mystérieuse jeune fille qui évolue dans un univers non moins mystérieux.

    Le talent de Fabrice COLIN tient dans cette subtile manipulation de son héroïne et, partant, de son lecteur. Durant toute la lecture, on évolue dans un "rêve familier", ce "rêve étrange et pénétrant", avec ces mots, ces sensations, ces impressions de déjà vu, mais surtout cette fugitivité qui fait qu'on ne parvient pas à saisir vraiment ce que l'on croit entrevoir. Et quel bonheur, quelle jubilation enfin à lire les dernières lignes du livre qui font que le kaléidoscope entrevu prend forme, s'éclaire, se range, s'organise.

    Ouvrage étonnant, presque trop sérieux pour certains, car complexe, et pourtant d'une fluidité, d'une limpidité, d'une clarté exemplaires, je n'ai pas résisté à vous faire entrer dans le salon d'Anna, que madame LEPRINCE DE BEAUMONT n'aurait pas renié. Voici donc un :

    SOUPER SINGULIER

    Une chaise se tira seule ; Jacob s'assit avec un claquement de langue.

    - Mademoiselle souhaite-t-elle quelque chose en particulier pour le souper ? Quelque chose de reconstituant ?

    - Ce sera comme vous voulez, Jacob.

    Les livres de la bibliothèque excitaient ma curiosité. Des éditions complètes à couverture de cuir, soigneusement reliées. Poètes, philosophes, grands écrivains. Je me souvenais.

    - Une soupe d'étrilles à la mousse orangée pourrait convenir en entrée, suggéra Jacob qui réfléchissait à voix haute. Suivie d'une demi-poularde truffée. Et nous serons jeudi demain : mademoiselle a besoin de douceur. Puis-je suggérer une tartelette de chocolat mi-amer et sa compote de griottes gelées ?

    Je pivotai.

    - Parfait, fis-je avec un sourire gourmand. Parfait, comme toujours.

    Peu après neuf heures, repue de soupe, de poularde et de gâteau au chocolat, je pris congé et montai dans ma chambre.

    Le souper avait été un moment singulier. je l'avais pris au salon en solitaire. Les plats étaient venus à moi. Les assiettes s'étaient posées, les couverts avec elles, et mon verre s'était rempli d'eau sans que mon majordome n'esquisse le moindre geste. Il m'avait fallu quelque temps pour me réhabituer mais c'était ainsi : Jacob était un télékinésiste - il n'avait besoin que de concentration.

    Fabrice COLIN, Bal de givre à New York, 2011.

    Un autre extrait ici.

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  • La cuisine de Mademoiselle (T. DE FOMBELLE)

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    J'avoue, Tobie Lolness m'était tombé des mains et je n'avais aucune impatience à lire celui-ci :

    Vango.jpg

    "Paris, 1934. Devant Notre-Dame une poursuite s'engage au milieu de la foule. Le jeune Vango doit fuir. Fuir la police qui l'accuse, fuir les forces mystérieuses qui le traquent. Vango ne sait pas qui il est. Son passé cache de lourds secrets. Des îles siciliennes aux brouillards de l'Ecosse, tandis qu'enfle le bruit de la guerre, Vango cherche sa vérité. Un héros inoubliable et romantique, une aventure haletante, envoûtante, empreinte d'humour et de poésie. Timothée de Fombelle signe de nouveau un grand roman, après le succès international de Tobie Lolness."

    Voulez-vous entrer dans un univers magique ? Voulez-vous découvrir un monde où l'on pèle une pomme de terre "tout en lui donnant huit faces parfaites" ? Où l'on s'envole en zeppelin au-dessus de l'Allemagne nazie ? Alors lisez, que dis-je, dévorez le dernier roman de Timothée de FOMBELLE, Vango. Littérature de jeunesse, direz-vous, oui, mais quelle littérature !

    La langue y est aussi sauvage que son personnage, aussi indomptable et... aussi mystérieuse. Car de ces mots si simples, si évidents, si limpides, il en ressort une beauté, une poésie qui vous restera longtemps en tête... Ainsi cette cuisine de Mademoiselle, la gouvernante qui a sauvé Vango :

    LA CUISINE DE MADEMOISELLE

    Mademoiselle était une magicienne de la cuisine.

    Sur son petit fourneau de pierre, au bord de cette île perdue en Méditerranée, elle faisait chaque jour des merveilles qui auraient fait pleurer les gastronomes des plus grandes capitales. Au fond de ses poêles profondes, les légumes faisaient une danse ensorcelante dans des sauces dont l'odeur montait à la tête et à l'âme. Une simple tartine de thym devenait un tapis volant. Les gratins vous tiraient des larmes alors que vous n'aviez pas encore passé le pas de la porte. Et les soufflés... Mon Dieu. Les soufflés seraient allés se coller au plafond tant ils étaient légers, volatils, immatériels. Mais Vango se jetait dessus avant qu'ils s'évaporent.

    Mademoiselle préparait des soupes et des feuilletés impossibles. Elle faisait lever à la main des mousses aux parfums interdits. Elle servait le poisson dans des jus noirs au goût d'herbes inconnues qu'elle trouvait entre les pierres.

    Vango avait cru longtemps qu'on mangeait ainsi dans toutes les maisons. Il n'avait d'ailleurs jamais rien goûté en dehors de chez lui. Mais, depuis le jour où l'on avait fait venir le docteur pour une pneumonie du petit garçon, quand il avait cinq ou six ans, il avait compris que Mademoiselle n'était pas une cuisinière comme les autres.

    Timothée de FOMBELLE, Vango, 2010.

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  • Nectar des dieux (R. RIORDAN)

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    Nous traversons en ce moment à la maison une période "Mythologie". Devons-nous attribuer cela à nos vacances en Grèce de l'été dernier ? Peut-être. Car à notre retour ma fille s'est plongée dans tous les contes et récits mythologiques possibles (et achetables...). C'est donc tout naturellement que je lui ai proposé de mon dernier achat :

    Le voleur de foudre.jpg

    "Je n'ai jamais voulu être un demi-dieu. Une vie de demi-dieu, c'est dangereux, c'est angoissant. Le plus souvent, ça se termine par une mort abominable et douloureuse. Il se peut que vous soyez des nôtres. Or, dès l'instant où vous le saurez, il ne leur faudra pas longtemps pour le percevoir, eux aussi, et se lancer à vos trousses. Je vous aurai prévenus."

    Entendons-nous bien : je n'ai pas vu le film et c'est donc du livre, et uniquement du livre, dont je vais traiter et là j'avoue... que j'ai pris un certain plaisir à dévorer les aventures de cet ado qui se découvre "sang-mêlé", c'est-à-dire demi-dieu, fils d'une mortelle et d'un dieu de l'Olympe.

    Le propos pourrait paraître complètement anachronique et pourtant, Rick RIORDAN réussit son coup : rendre accessible à des lecteurs d'aujourd'hui des histoires vieilles de plusieurs siècles, voire millénaires.

    Très astucieusement, il a adopté une trame qui a fait ses preuves, celle de J.K. ROWLING et ses Harry Potter : le héros est un jeune garçon de onze ans mal dans sa peau (il est dyslexique car programmé pour lire le grec ancien) et mal intégré dans la société, mais qui heureusement, suite à la découverte de sa semi-divinité, va entrer dans un club, ici c'est une colonie de vacances, où il va pouvoir côtoyer ses semblables, pratiquer la magie et découvrir les vraies vertus de l'amitié. Evidemment la menace pèse : ici, ce n'est pas Voldemort qui revient mais Chronos, le père de tous les dieux (vous savez, celui qui avait la fâcheuse manie de dévorer ses enfants histoire qu'ils ne le détrônent pas) que Zeus avait envoyé aux Enfers avant de se partager le monde avec deux frères, Hadès et Poséidon (Ciel, Terre, Mer pour ceux qui auraient oublié...).

    Vous l'aurez compris, on passe un bon moment avec ce Persée (de son vrai nom) Jackson et d'ailleurs, je suis en train de lire le troisième volume... en attendant que ma fille me lâche le quatrième ! L'extrait qui suit se situe au moment où Percy va découvrir la colonie des Sangs-mêlés, en se réveillant suite à une agression du Minotaure...

    NECTAR DES DIEUX

    Il m'a aidé à tenir le verre et à mettre la paille entre mes lèvres.

    Le goût m'a fait sursauter car je m'attendais à du jus de pomme. Ce n'était pas ça du tout. C'étaient des biscuits aux pépites de chocolat. Des biscuits liquides. Et pas n'importe lesquels : les biscuits bleus au chocolat que faisait maman, riches en beurre et tout chaud sortis du four, avec les pépites de chocolat encore fondantes. En buvant, je sentais mon corps entier se détendre et se réchauffer, se recharger en énergie. Mon chagrin n'a pas disparu, mais j'ai eu l'impression que maman venait de me caresser la joue, de me donner un biscuit comme elle le faisait quand j'étais petit, en me disant que tout irait bien.

    Sans m'en rendre compte, j'ai vidé le verre. J'ai regardé longuement à l'intérieur, convaincu que je venais d'avaler une boisson chaude, alors que les glaçons n'avaient même pas fondus.

    - C'était bon ? m'a demandé Groover.

    J'ai fait oui de la tête.

    Rick RIORDAN, Percy Jackson, le voleur de foudre, 2005.

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  • Solo (L. MIANO)

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    En ces temps pour le moins enneigés, il m'a semblé assez récorfortant de se souvenir qu'il existe des contrées où la terre est rouge, la poussirèe omniprésente et le soleil brûlant. C'est tout naturellement le petit ouvrage de Léonora MIANO qui s'est rappelé à mon souvenir.

    Soulfood équatoriale.jpg

    "En nous faisant humer et palper une pierre à écraser imprégnée de senteurs qu elle utilise pour broyer le gingembre et les crevettes séchées, Léonora Miano nous conduit jusqu aux rivages du Cameroun. Dans ce pays marqué par sa culture culinaire puisqu il doit son nom aux écrevisses (camarones) qui pullulaient à l embouchure de son fleuve, mets et mots se chargent d une poésie toute particulière. Le jazz devient sauce tomate glissée dans les sandwichs saxophones, les beignets haricots remplissent l âme, une morue bien cuisinée devient juge d une rivalité amoureuse, et même des sauterelles deviennent d inoubliables festins... Ce texte d une grande densité nous livre avec bonheur légendes intemporelles et saynètes prises sur le vif."

    La collection "Exquis d'écrivain", vous la connaissez, je vous en ai déjà parlé : Chantal PELLETIER et ses Voyages en gourmandises, Dominique SYLVAIN et ses Régals du Japon et d'ailleurs,  Martin WINCKLER et son A ma bouche, chacun a à sa manière célébré son rapport à la nourriture. Mais très intéressant est l'opus que nous propose Léonora MIANO, Soulfood équatoriale.

    C'est le nom d'une gargotte à Douala qui donne son titre à cet ouvrage oùl'auteur mêle souvenirs d'enfance, légendes anciennes et analyses de la vie quotidienne au Cameroun aujourd'hui. Elle raconte admirablement, avec une langue sensuelle et précise mais aussi une vraie érudition, l'évolution de l'alimentation en Afrique et la manière dont l'esclavage a su essaimer à travers la nourriture. "La soulfood prend donc ses racines dans la période de l'esclavage étasunien, en devenant un des tous premiers éléments du métissage entre des peuples appelés à vivre ensemble. De fait."

    Qui croirait qu'en un si petit livre foisonnent autant d'histoires ? Il m'a été difficile d'en choisir une, mais cependant j'ai fini par m'arrêter sur "Solo", l'histoire de Florence et de ses amoureux. Elle est belle, désirée, et a mis ses deux prétendants au défi de lui concocter son plat préféré, le solo, de la morue dessalée, puis frite et mêlée à de la sauce tomate. Un vrai challenge que Jules et Hervé vont tenter de relever...

    SOLO

    Une fois la recette de base maîtrisée, il y avait différentes manières d'accommoder la morue salée. Du point de vue de la belle, certaines dénaturaient le poisson, parce que les ingrédients ajoutés avaient trop d'épaisseur. On pouvait souhaiter donner plus de caractère au solo, mais il avait déjà le sien, et il fallait le respecter.

    Il n'y avait qu'à regarder pour voir en quoi les deux préparations différaient l'une de l'autre. Aucun des jeunes hommes ne s'en était tenu au solo basique, qui avait la préférence de Florence. Elle aimait qu'ils se soient donné du mal pour faire quelque chose d'original, tout en déplorant que la finesse d'un plat préparé avec peu de choses leur échappe.

    Le solo avait une sorte de grâce, à déployer sa chair fine sous un filet d'huile rougie par la tomate. Les oignons ayant fondu, les épices s'étant diluées, le poisson régnait comme il se devait sur le rivage, le reste ne venant que confirmer sa souveraineté.

    Hervé avait mis des pistaches écrasées dans sa sauce, ce qui l'alourdissait, la rendant aussi plus grasse. C'était la sauce d'un homme qui voulait vous river au sol, limiter vos mouvements. Son amour ne pouvait qu'être inquiet, et Florence ne voulait pas passer son temps à le rassurer.

    Il ne lui fut pas possible de dire immédiatement ce que Jules avait apporté à la préparation originale. sans y avoir goûté, tout ce qu'on pouvait dire c'était qu'il y avait un élément de plus, mais cela restait mystérieux. Était-ce seulement un peu plus de tomate fraîche que l'usage n'en réclamait ? Une larme d'huile de palme non blanchie ? L'ingrédient mystérieux ne signalait sa présence que par un semblant de consistance suppémentaire, conféré à la sauce.

    La curiosité eut raison du flegme de Florence, la conduisant à goûter le plat de Jules. Les deux garçons suivirent sa main du regard, exhalant tous deux un même soupir, sans toutefois en partager le motif. Ils firent de ce geste la lecture  qu'on peut imaginer. Il était évident que l'un d'eux venait de marquer des points.

    La jeune fille avait des papilles entraînées. Elle reconnut chaque élément ayant contribué à la composition de la sauce. Oignon, ail, ,soupçon de gingembre parfaitement écrasé dont on ne sentait pas les fibres, piment trempé entier peu avant la fin de la cuisson pour qu'il n'éclate pas et ne laisse que son parfum... Puis, la clé du mystère : pas plus d'une demi-aubergine. Le supplément de tomate fraîche avait pour but d'en atténuer l'amertume.

    C'était un choix risqué. Les nginge - car tel était le nom sawa de ces aubergines africaines connues pour leur saveur puissante - étaient loin d'être appréciées de tous. Chercher à conquérir une femme en lui proposant leur amertume, c'était avoir l'audace de ne pas lui promettre plus qu'on ne pouvait offrir. Lui dire qu'on pouvait avoir des moments d'aigreur, c'était normal, qu'on saurait se faire pardonner.

    La quête du pardon pour les blessures non encore infligées était dans ce qui accompagnait l'aubergine sans la masquer. Le goût légèrement sucré du concentré de tomate. La douceur des tomates fraîches. Le sel du solo qui s'était diffusé dans la sauce.

    Tout ce que Jules avait choisi d'intégrer au plat parlait de la vie, à la fois telle qu'elle était et telle qu'on la rêvait.

    Léonora MIANO, Soulfood équatoriale, 2009.

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  • "Comment était l'agneau ? - Grillé." (M. CAMPBELL)

    Imprimer Catégories : Cinéma gourmand

    Attention, mesdames, mesdemoiselles, messieurs, c'est ici une scène-culte, voire fondatrice, que vous allez voir. Loin de moi l'idée de marcher sur les plates-bandes de Fashion, mais je l'avoue, moi aussi, j'ai abandonné toute lucidité lorsque j'ai découvert Daniel CRAIG en James Bond !

    Avant, comme beaucoup, je pensais que le Seul et Unique James, c'était Sean. Et puis que son fidèle successeur, c'était Pierce BROSNAN, plutôt époque Remington Steele, d'ailleurs. Mais ça, c'était avant de découvrir Daniel et son boxer bleu ciel ! Et puis, j'avoue que l'incurable romantique que je suis a fondu sur le couple formé par Daniel et Eva GREEN ! Je passe sur le fait que que oui, c'est vrai, pour une fois qu'une femme dans un James Bond a un vrai rôle et n'est pas uniquement la poupée de service, mais surtout c'est un tandem dans la tradition hollywoodienne pur jus du chien et chat : ping pong verbal permanent, sous-entendus omniprésents, vraie tension sexuelle, tout est là !

    Et comme tout est décidément parfait dans ce film, il comporte même une scène de repas ! Je vous accorde que ce dernier n'est pas au centre de la chose mais pourtant, il est le prétexte à un jeu de sous-entendus, beaucoup plus crus (si je puis dire) en anglais qu'en français d'ailleurs, puisque dans la version originale, l'agneau n'est pas grillé, mais... screwed !


    Repas saignant
    envoyé par macuisinerouge.

    Le hasard a voulu que ce film soit justement diffusé dimanche soir sur France 2...

    NOTE : quelques soucis avec les mots-clef de HautEtFort ont empêché le visionnement correct de cette page les jours précédents. Je la reposte donc aujourd'hui sans le mot "casino" qui posait souci. Toutes mes excuses pour les billets redondants qui auront pu s'ensuivre...

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  • "Gérard est arrivé avec son cubi" (A. GAVALDA)

    Imprimer Catégories : Littérature gourmande

    Découvrez la playlist L'échappée belle avec Pascal Obispo

    Je conçois aisément ce qu'Anna GAVALDA peut avoir d'énervant pour ses détracteurs : elle "fait" du Gavalda. Et le pire, c'est qu'on ne lui demande que ça, tant on est heureux de retrouver en ouvrant son livre ces petits qui font son univers et le nôtre. Rien de sérieux, rien de vraiment profond, des instantanés souvent.

    L'échappée belle.jpg

    "Simon, Garance et Lola, trois frères et soeurs devenus grands (vieux ?), s'enfuient d'un mariage de famille qui s'annonce particulièrement éprouvant pour aller rejoindre Vincent, le petit dernier, devenu guide saisonnier d'un château pendu au fin fond de la campagne tourangelle. Oubliant pour quelques heures marmaille, conjoint, divorce, soucis et mondanités, ils vont s'offrir une dernière vraie belle journée d'enfance volée à leur vie d'adultes. Légère, tendre, drôle, L'Echappée belle, cinquième livre d'Anna Gavalda aux éditions Le Dilettante, est un hommage aux fratries heureuses, aux belles-soeurs pénibles, à Dario Moreno, aux petits vins de Loire et à la boulangerie Pidoune."

    Ici, c'est une fugue à la vie, une fratrie qui s'envole quelques heures avant de se laisser rattraper par le quotidien, ni vraiment triste ni franchement gai, juste le quotidien. On retrouve dans l'Echappée belle les thèmes fétiches de l'auteur : les cabossés de la vie, l'amour pour les petites gens, la force des souvenirs d'enfance et la famille, mais "celle que j'ai choisie, celle que je ressens dans cette armée de pauvre de gens" comme dirait Jean-Jacques GOLDMAN, souvent en filigrane, d'ailleurs, dans l'oeuvre de Gavalda.

    Bien sûr, on pourrait y voir de la condescendance, un côté 'ironie flaubertienne" dans cette description de noce campagnarde. J'ai simplement chosi de me ranger du côté de la naïveté. Et cette Echappée belle est une vraie gourmandise !

    Nous sommes entrés dans une salle des fêtes surchauffée qui sentait encore la sueur et la vieille chaussette. Les tatamis étaient empilés dans un coin et la mariée se tenait assise sous un panier de basket. Elle avait l'air un peu dépassée par les événements.

    Tablées façon Astérix, vin de pays en cubis et zizique à plein volume.

    Une grosse dame tout empaquetée de froufrous s'est précipitée sur notre petit frère :

    - Ah ! Le voilà ! Viens, mon fils, viens ! Nono m'a dit que tu étais en famille... Venez tous, venez par là ! Oh qu'ils sont beaux ! Quel beau chapeau ! Et elle, comme elle est maigre, la petite ! Et alors ?! Y vous font rien à manger à Paris ? Installez-vous. Mangez bien. Il y a tout ce qu'il faut. Demandez à Gérard qu'il vous serve à boire. Gérard ! Viens donc par là, mon gars ! [...]

    Nous nous sommes assis à un bout de table, accueillis à bras ouverts par les deux tontons qui étaient déjà bien partis.

    - Gé-rard ! Gé-rard ! Gé-rard ! Hé, les gosses ! Allez chercher à manger pour nos amis ! Gérard ! Où qu'il est passé, nom de Dieu ?

    Gérard est arrivé avec son cubi et la fête a commencé.

    Après la macédoine à la mayonnaise dans sa coquille Saint-Jacques, le méchoui dans ses frites à la mayonnaise, le fromage de chèvre (prononcer "chieub' ") et les trois parts de vacherin, tout le monde s'est poussé pour laisser la place à Guy Macroux et son orchestre de charme.

    Nous étions comme des bienheureux. L'oreille aux aguets et les mirettes grandes ouvertes. A droite, la mariée ouvrait le bal avec son père sur du Strauss à bretelles, à gauche les tontons commençaient à se bastonner méchamment à propos du nouveau sens interdit devant la boulangerie Pidoune.
    Tout cela était pittoresque.

    Non. Mieux que ça et moins condescendant : savoureux.

    Anna GAVALDA, L'Echappée belle, 2009.

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