Des pâtes pour la récupération
Un quart d’heure plus tard, elle se frictionnait les cheveux tout en se dirigeant vers la cuisine d’où émanaient des odeurs inhabituelles et des grésillements incongrus sur fond de musique vintage. C’était dingue, cette passion qu’il avait lui aussi pour les vieux trucs. Devant le plan de travail, Kacew sourit et étendit le bras pour attraper la ceinture de son peignoir, l’attirant vers lui.
— Ça sent bon.
— J’ai pensé que des pâtes, ce serait bon pour ta récupération… murmura-t-il dans son cou, sans lâcher sa cuillère.
— D’habitude, les pâtes pour la récupération, c’est avant, non ? C’est le mien ?
Sans rompre leur étreinte, elle étendit le bras pour attraper le verre posé à côté du sien.
— Oui. Mais d’habitude, l’alcool, c’est jamais pour la récupération.
— Clichés ! Je vais me sécher les cheveux.
Elle ne savait pas si elle devait se sentir heureuse ou agacée et, en fait, éprouvait les deux sentiments. Contente qu’il soit là et agacée de le voir évoluer chez elle « comme chez lui ». Il avait même pris possession de sa discothèque. Mais elle devait bien admettre qu’elle n’avait fait aucun effort pour savoir à quoi ressemblait son appartement. Et qu’elle n’en avait aucune envie. Qu’il cuisine donc. Mettre les pieds sous « sa » table lui allait parfaitement bien finalement. Elle revint une dizaine de minutes plus tard, cheveux secs, en jeans et tee shirt, pieds nus.
— C'est bientôt prêt ?
— Tu as faim ?
— Je commence.
Il touilla encore un peu dans la casserole et elle posa son verre avant de venir se plaquer contre son dos, les mains caressantes.
— C'est bizarre, reprit-il après quelques instants, il n’y a pas grand-chose dans tes placards, mais on ne trouve ces pâtes qu’en Italie. Je ne t’imagine pas faisant du tourisme culinaire…
Elle éclata de rire et se détacha de lui, reprenant son verre.
— Quelle subtilité, commandant Kacew ! J’adore ta manière de poser les questions l’air de rien. Pourquoi tu ne dis pas plutôt : « qui est le mec qui a laissé ces pâtes en souvenir » ?
— C’est si évident ?
— C’est diaphane. Il s’agit donc des vestiges d’un charmant monsieur italien.
— Qui cuisinait ?
— C’était un peu son métier, en fait. Donc il venait avec son matériel…
— Un cuisinier ?
— Un chef ! Tu ne crois tout de même pas que j’allais me taper un pizzaiolo non plus ?
— J’oubliais ton snobisme.
Elle leva son verre et le fit tinter contre le sien.
— Je pourrais te retourner la question : comment tu sais qu'on ne trouve ces pâtes qu'en Italie ?
Ses yeux s’étaient assombris et son visage avait pris le masque plus professionnel qu’elle lui connaissait, ce voile d’impassibilité à peine frémissant.
— Ma grand-mère en ramenait toujours.
— Elle était italienne ?
Il se contenta d’acquiescer en silence, lui tournant le dos et soulevant le couvercle de l’autre casserole. L’eau bouillait et Janis chantait. Geignait plutôt. Until that morning, Honey, nothing’s gonna harm you now.
— Pourtant, Kacew, ce n'est pas très italien, non ?
Son hostilité à avancer sur ce terrain était presque palpable. Chacun son tour. Pourquoi il n’y avait qu’elle qui aurait dû être transparente ? Mais il se retourna pour lui ôter son verre.
— Ma grand-mère maternelle, chuchota-t-il en se penchant pour l’embrasser.
Evidemment, en s’y prenant ainsi, ce n’était pas très compliqué de lui faire lâcher l’affaire. Leurs langues s’emmêlèrent lentement, danse douce et rassurante, les mains de Kacew se glissèrent librement sous son tee shirt. Son corps adhéra étroitement au sien et elle soupira doucement. Peut-être était-ce le moment d'évoquer son voyage à Londres. Sauf que sa voix plus rauque vint souffler dans son cou.
— Du coup, je ne sais pas si je vais être à la hauteur.
— Pour l’instant, tu te débrouilles beaucoup mieux.
Patricia SARRIO, Bienvenue dans la jungle, 2016
(chapitre 13)
Voici donc un gratin de pâtes, à mi-chemin entre carbonara et régression. Mais très reconstituant !
Pour 4 personnes, il faut :
- 250 g de pâtes (celles qu'on trouve en France sont très bien, quoique suggère Kacew...)
- une vingtaine de tranches de pancetta (en réalité, 4 par personne suffiraient mais pourquoi se priver des bonnes choses ?)
- 150 à 200 g de fromage rapé
- 30 cl de crème fraiche
- sel et poivre
- un peu d'huile d'olive
Faire bouillir un grand volume d'eau salée. Préchauffer le four à 180° ; activer éventuellement la fonction "grill".
Déchiqueter la pancetta et la faire revenir rapidement dans une sauteuse, juste le temps de la rendre légèrement croustillante, mais pas plus. La noyer sous la crème fraîche, saler - très peu - et poivrer - suffisamment - , et laisser mijoter quelques minutes avant d'éteindre. On obtient ainsi une infusion crémeuse de pancetta.
A l'ébullition, cuire les pâtes au deux tiers du temps indiqué. Attention, elles doivent être très, très al dente.
A l'aide d'une écumoire, transvaser les pâtes dans la sauteuse et bien mélanger. Ajouter la moitié du fromage, une bonne louche, voire une et demie, d'eau de cuisson, et couvrir. Laisser reposer cinq bonnes minutes, le temps que les pâtes se gorgent de la sauce.
Graisser rapidement un plat à gratin avec un peu d'huile d'olive (pas trop, il ne s'agirait pas d'être trop riche quand même...) et verser les pâtes. Les recouvrir du reste de fromage et enfourner pour une bonne vingtaine de minutes.
Déguster dans attendre.
Le conseil oenologique de Perséphone : en bonne rhodanienne, elle conseille un Hermitage blanc.
Pour connaître la suite de l'histoire, c'est par ici (format broché ou électronique) :