Vertiges du temps : 22/11/63 (S. KING)
Il y a deux Stephen King : l'auteur de romans gore et l'autre. L'autre, c'est un génial romancier, doté d'une imagination hallucinante, capable de construire les intrigues les plus complexes, les plus inextricables, les plus abracadabrantesques, et capable de vous faire croire que tout est vrai. Puisque le héros, c'est lui, un homme un peu désenchanté, un peu en retrait, souvent écrivain en devenir, et que tout cela créé le vertige et la magie.
2011. Jake Epping exerce la profession de professeur d'anglais à Lisbon Falls dans le Maine et accède à la requête d'un ami mourant prénommé Al Templeton : empêcher l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Le retour dans le passé lui sera possible en se rendant dans le restaurant dont son ami est le propriétaire et où se trouve une fissure temporelle transportant quiconque s'y aventurant en 1958.
Ce dernier opus, 22/11/63, ne faillit pas à la règle : un postulat fantastique (et si l'on pouvait voyager dans le temps ?), des situations glauques (à changer en allant dans le passé) et... l'effet-papillon ! Car peut-on changer son monde sans changer le monde ? Et quelles sont les conséquences ?
C'est toute la question que pose ce roman, et la réponse est éblouissante.
Toutefois, fidèle à la réputation "gourmande" de ce blog, c'est un extrait dans cette ligne que je vous livre :
Il a désigné le journal de la tête. « Ça vous suffira ou je vous sers un soda à la fontaine ?
– Tout ce que vous avez frais, n'importe qui, sauf du Moxie », me suis entendu répondre.
Frank 1.0 a souri. "Ça, j'ai pas encore, fils, mais qu'est-ce que vous diriez d'une bière de racinette à la place ?
– Ma foi." C'était tentant. J'avais la gorge sèche et la tête en feu. Il me semblait que j'avais la fièvre.
"Cinq ou dix ?
– Je vous demande pardon ?
– La bière : cinq ou dix cents ?"
Il l'a prononcé avec l'accent du Maine : biiyèh. "Oh. Disons dix.
– Eh bien, disons que vous avez dit juste."
Il a ouvert un congélateur à crème glacée et en a sorti une tasse givrée de la taille d'un pichet à limonade. Il a rempli un robinet et j'ai senti l'odeur aromatique et forte de la bière de racinette. Il a raclé la mousse sur le dessus à l'aide d'un manche de cuillère en bois, a terminé de la remplir et l'a posée sur le comptoir.
— Et voilà pour vous. Ça fera dix-huit cents avec le journal. Plus un penny pour le gouverneur."
Je lui ai tendu des dollars d'époque d'Al et Franck 1.0 m'a rendu la monnaie.
J'ai siroté la bière à travers la mousse et, quelle surprise ! Elle était ronde. Savoureuse de bout en bout. Je ne sais comment l'exprimer mieux que ça. Ce monde révolu des années 50 dégageait une odeur pire que ce que j'aurais imaginé, mais il avait une saveur incomparable.
"Cette bière est délicieuse, j'ai dit."
Stephen KING, 22/11/63, 2013
Un autre extrait ici