Régime de pélerins (A. DE SAINT-ANDRE)
J'imagine que ce livre aura été l'incontournable de l'été pour tout ex ou futur pélerin de Compostelle:
"Alix de Saint-André a pris trois fois la route de Compostelle. La première fois, elle est partie de Saint-Jean-Pied-de-Port, sur le chemin français, avec un sac plein d'idées préconçues, qui se sont envolées une à une, au fil des étapes. La deuxième fois, elle a parcouru le " chemin anglais " depuis La Corogne, lors d'une année sainte mouvementée. L'ultime voyage fut le vrai voyage, celui que l'on doit faire en partant de chez soi. Des bords de Loire à Saint-Jacques-de-Compostelle, de paysages sublimes en banlieues sinistres, elle a rejoint le peuple des pèlerins qui se retrouvent sur le chemin, libérés de toute identité sociale, pour vivre à quatre kilomètres-heure une aventure humaine pleine de gaieté, d'amitié et de surprises. Sur ces marcheurs de tous pays et de toutes convictions, réunis moins par la foi que par les ampoules aux pieds, mais cheminant chacun dans sa quête secrète, Alix de Saint-André, en poursuivant la sienne, empreinte d'une gravité mélancolique, porte, comme à son habitude, un regard à la fois affectueux et espiègle."
Nul besoin d'avoir péleriné ou fait tamponné sa crédenciale pour apprécier ce livre à la fois grave et joyeux. Alix de SAINT-ANDRE y parle de tout dans un joyeux fatras où religion, ampoules au pied et humanité se côtoient avec bonheur. On y marche beaucoup, mais on y mange (et boit) beaucoup aussi : car il faut tenir les mille cinq cents kilomètres du trajet !
Le chemin nous fait vivre dans un monde parallèle. A la fois tout près des villes, et au milieu de nulle part. Un monde de petits sentiers et de hameaux qui festonne les grandes routes. Un monde de maisons d'hôtes et de gîtes ruraux, où évolue aussi une population parallèle, qui a le plaisir à être là où elle est. A vous montrer combien c'est beau chez elle. Et qu'il n'y a rien de meilleur que sa cuisine... Car si le chemin ne pousse pas au mysticisme, il ne passe pas davantage parl'ascèse, Dieu merci ! Jésus a commencé sa carrière miraculeuse en changeant l'eau en vin aux noces de cana. Et non seulement sa mère était là, mais c'est elle qui l'y a poussé... L'avantage parfois douloureux de redécouvrir la faim et la soif donne aussi l'occasion de se mettre à table à chaque fois avec grand appétit, et sans aucun souci de régime : un vrai miracle !
[...] L'un des meilleurs repas que j'ai faits, c'était dans un ancien relais de poste, à Clairias. Un festin délicieux et copieux, aux plats innombrables achevés par de l'angélique, la douceur locale, et animé par l'hôte, originaire de Bordeaux mais acclimaté depuis trente ans aux histoires locales de pêche à l'ortolan et de chasse aux alouettes. Nous étionsd une bonne douzaine à table ; des gens de partout. Au matin, l'hôtesse, toute contente de tamponner ma crédentiale, m'offre le dîner. Je suis la seule à ne pas payer. [...] Serait-ce un reste des temps révolus où l'on offrait l'hospitalité aux pélerins, comme mon père le faisait avec les chemineaux ? Parce qu'on voyait en eux l'image du Christ ? Ce n'est pas si net : c'est le secret des gens. Faire le bien leur fait du bien.
Alix de Saint-André, En avant, route ! 2010.