Voilà bien le livre le plus décevant qu'il m'a été donné de lire depuis longtemps !
Cela commençait pourtant bien. Je dirai même tambour battant :
Déjà trop grandes pour être des petites filles, mais pas encore assez vieilles pour être des jeunes filles, nous étions à l'âge où on lit. Délaissant les bibliothèques rouge et or, rose ou verte, nous dévorions tout papier imprimé sans images, surtout les livres de poche, faciles à planquer sous les bureaux pendant les cours. Il ne s'agissait pas, bien sûr, d'oeuvres au programme, mais de bouquins qui arrivaient par la bande, par les copines ou leurs grandes soeurs. Plus ils étaient gros, mieux c'était. Les sagas familiales ou les pavés dits "romantiques" avaient la cote. Avec Zola. Autant en emporte le vent et les Rougon-Macquart étaient les deux mamelles de la lecture ; les Jalna et Boris Vian, ensuite. Les Misérables en outsider. Il y avait aussi des filles qui ne lisaient pas, mais on n'était pas non plus obligées de leur parler.
Ces lectures dévorantes entraînaient des échanges, des prêts, mais rarement des discussions au-delà du qualificatif génial. Tout était bien, vachement bien même, et il était impensable de critiquer, même un prétendant idiot de Scarlett O'Hara. On lisait à toute allure, en accélérant dans les tournants ; on prenait des livres comme on prend le train.
Et nous foncions ainsi, à toute vitesse, à côté de la littérature ; ça aurait pu durer longtemps.
Alix de SAINT-ANDRE, Il n'y a pas de grandes personnes, Gallimard, 2007.
Ce premier chapitre, décrivant d'un ton alerte et plein de drôlerie, les rencontres d'Alix de SAINT-ANDRE avec :
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la littérature
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une enseignante hors-pair
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Malraux
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les copines parisiennes
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Proust
crée l'illusion : on croit que tout sera comme ça... Le problème, c'est qu'une fois passés les quatre premiers chapitres, c'est-à-dire arrivé à la page 95, cela se corse. La narratrice se met en devoir de nous raconter sa vie (journaliste, puis chroniqueuse-télé chez Jérôme Bonaldi et enfin auteurs de livres divers et variés), tout en entremêlant ça de réflexions sur les vies et oeuvres respectives de Malraux, bien sûr, Proust, Chateaubriand, Rousseau et même Saint Augustin ! "Je n'avais pas la vocation", écrit-elle page 98 pour justifier de n'avoir pas présenté l'Agrégation de Lettres. Et bien disons qu'elle se rattrape ! Alix de SAINT-ANDRE n'hésite pas à exhumer son mémoire de maîtrise (Les Antimémoires : une anti-Recherche du Temps perdu ?) qui lui valu une mention Très bien, nous précise-t-elle modestement et à reprendre en long et en large les manuels scolaires pour en extraire la substantifique moelle en lui redonnant un ton plus "djeune" : " Les coeurs secs ! Les scélérats ! Le vilain Voltaire !"
Le livre compte 411 pages. C'est long. Même si le name-dropping fonctionne à fond et que l'auteur nous détaille ses complicités avec Florence (Malraux), Françoise (Giroux), à ne pas confondre avec la Françoise de Florence (Sagan), on se surprend à survoler les pages, où les citations des auteurs sus-cités sont de plus en plus longues, et on s'attarde sur de petites choses que je n'aurais jamais cru trouver dans la collection blanche, ainsi : "J'intervenais après la pose, prise dans cette charmante impasse fleurie et pavée, dans la seconde partie..." page 309 ou encore, page 313 "il racontait des anecdotes d'une voix théâtrale et onctueuse, la tête en arrière, avec un rien de pause que sauvait une rondeur enfantine..." Ils n'auraient pas des problèmes avec les homonymes, chez Gallimard ?
Bref, ne vous fiez pas à la quatrième de couverture : " Malraux et moi, ce fut une grande, histoire, et j'aimerais trouver pour en parler aujourd'hui les accents de ma passion d'alors, qui exaspéra souvent mes amis les plus intimes, et fit rigoler les autres. J'éprouve la même difficulté que les gens qui racontent un premier amour. Je l'aime toujours, bien sûr, mais mon cœur ne fait plus un bond en voyant ses photos, mes joues ne se mettent pas en feu à chaque fois que j'entends prononcer son nom, mon cœur n'est pas "brûlant dans ma poitrine" quand je parle de lui. C'est un peu poussiéreux ; cela devrait me rassurer, mais m'attriste, en réalité.
Reste toujours sa voix. Je ne peux pas l'entendre sans que mon poil se hérisse, et que ma gorge se noue.
Il est mort, bien sûr, mais le fait qu'il fût vivant n'a jamais eu une très grande influence sur note vie commune. "
Depuis un coup de foudre lors d'une dictée par un gris matin d'automne dans un collège du Maine-et-Loire, sa folle passion a conduit Alix de Saint-André à toute sorte d'extrémités. Pour l'amour de Malraux, elle a acheté des chats de gouttière, appris la grammaire espagnole. visité la Bosnie en guerre, organisé une campagne télévisée, péroré à la chaire d'universités new-yorkaises, tenté un acrobatique ménage à trois avec Proust, traqué sa trace chez Chateaubriand, assassiné Rousseau, poursuivi toutes ses femmes d'une jalousie féroce et même kidnappé sa fille dans les pages d'un roman. Jusqu'au jour où elle s'est retrouvée face à face avec Florence, la véritable fille de son héros...
Écrivain, Alix de Saint-André a été journaliste de presse écrite (Le Figaro Magazine, Elle) et de télévision à Canal +. Après un polar noir, un essai de théologie angélique, un roman sur le Panthéon et une hagiographie de sa nounou, Il n'y a pas de grandes personnes est son cinquième livre. Mélangeant souvenirs, réflexions et citations, il appartient à ce nouveau genre littéraire que Malraux avait baptisé " machin ". "
C'est un leurre...