Prenez-en de la graine !
Ca y est, je m'y suis mise aussi ! Après les verrines, les smoothies, ma branchitude n'a plus de limites : je fais pousser des graines !
Ca a commencé comme ça : un samedi matin, l'air de rien, je magasinais avec mon époux chez Markal, notre fournisseur officiel de farines bio et autres levains, quand je m'arrêtais soudain devant l'étal des graines. Oh, bien sûr, l'idée n'a pas germé (je sais, c'est moyen, mais en même temps, côté cerveau, je liquéfie un peu : ne viens-je pas de faire un magnifique pain à la farine bise... en oubliant le levain ?), n'a pas germé, disais-je, devant ces paquets plus rutilants les uns que les autres, non, j'y pensais depuis un certain temps, mais là, le choc. Et la suggestion : "Et si je faisais germer des graines ?"
La réplique maritale a été immédiate : "Ouiiii, toiii, et tes idées à deux balles... Je te préviens, il n'est pas question que je m'en occupe !"
"Mais ça n'a rien à voir avec les tomates (qu'Il a dû planter, désherber et arroser mais qui n'ont jamais passé du vert au rouge) ou les salades (dont Il s'est occupé de la même manière, mais que nous avons mangées tout un été, quand même) ! Là, ça se fait dans une assiette. Il suffit d'arroser, de rincer et d'attendre. Et puis il y a plein de blogs qui en parlent."
Tout ça, je lui expliquais patiemment alors qu'il était déjà à la caisse, transportant plein d'enthousiasme deux sacs de 5 kilos de farine. "En plus, on en mange plein, de soja ! Tiens, rien que dans les rouleaux de printemps ! Et puis le fenugrec, c'est sûrement super bon pour toi, qui ne bois pas de lait. Il y a plein de calcium, là-dedans !"
Il a continué à grommeler, j'ai acheté mes deux paquets de graines et nous sommes rentrés.
Le lendemain soir, de retour chez nous sous l'orage, j'ai attaqué mes plantations. J'avais passé mon dimanche matin à consulter les blogs, les sites sur la vie des graines, j'étais prête. J'en ai versé deux bonnes cuillères à soupe dans une assiette creuse et j'ai laissé tremper une nuit.
Le lendemain, joyeuse comme une écolière qui va faire pousser son premier haricot, j'ai égoutté mes graines dans une passoire (l'eau était toute verte), je les ai bien rincées, et replacées dans l'assiette. Puis je les ai mises au placard.
Le soir, il m'a semblé que quelque chose avait changé. Tel Hulk, les graines avaient commencé à enfler et faire éclater leur petit costume vert. Le germe saillait davantage. "Oh, ai-je dit à mon époux, as-tu remarqué cette fascinante évolution ? elles sont vivantes, ces graines, elles bougent. Quand on les regarde bien, on les VOIT bouger". Il a marmonné quelque chose comme quoi j'avais peut-être mieux à faire que de regarder pousser des graines, ce qui, venant d'un type qui occupé à relire l'Equipe de l'avant-veille pour la troisième fois, tout ça pour s'extasier sur la victoire de l'Equipe de France, ne manquait pas de saveur.
Mais le lendemain matin, c'est-à-dire le jour 2 de l'expérience, quel bonheur ! Les graines avaient définitivement pris leur envol de graines : elles germaient bel et bien ! Imaginez le bonheur d'une ex-enfant qui n'avait jusque là que fait pourrir dans le coton les graines de haricot et vous comprendrez l'état d'allégresse intense qui m'habitait alors.
Cela ressemblait un peu à un gigantesque plat de vers de terre, mais ça poussait, et c'était l'essentiel. J'ai d'ailleurs découvert à ce moment une occupation absolument géniale pour reposer les nerfs et favoriser la concentration dans la sérénité : trier les graines. En effet, si vous observez bien, vous verrez que petit à petit, sous la force de leur vigueur végétale, les graines se débarrassent de leur écorce - ou de leur costume de Hulk, si vous préférez. Afin d'éviter que ces écorces vides netraînent dans mon assiette germinatoire, j'ai entrepris de les récolter régulièrement.
J'ai effectué ce minutieux travail à chaque changement d'eau, c'est-à-dire matin, midi et soir, la chaleur étant telle que mes graines s'asséchaient trop vite sinon.
Enfin, aujourd'hui, cinquième jour de l'expérience, le résultat est là :
De magnifiques graines que j'ai fait pousser toutes seules, à la seule force de mon pouvoir et de ma volonté (et du Dieu des graines). Et dont je ne sais pas trop quoi faire, en fait. Je crois que je vais tenter une petite salade à l'asiatique, avec crevettes, sésame et nuoc mam.